LA CENTAURESSE LA CENTAURA
Del libro “Les élévations”
I
Reine du Dracanus neigeux, la Centauresse, La Centaura,
reina del Dracano[1]
nevado,
Soeur de Charybde au piège éternel et du Sphinx, hermana de
Caribdis y de la Esfinge, acechando eternamente,
Livre aux vents furieux l'orgueil blond de sa tresse suelta
a los vientos furiosos el rubio orgullo de su trenza
Et va plongeant au loin ses yeux de jeune lynx. y clava en
el horizonte sus ojos de cachorro de lince.
Elle va dans sa grâce étrange et monstrueuse, Avanza con su
gracia extraña y monstruosa,
Avec son front d'ivoire et ses jarrets d'acier, con su
frente de marfil y sus pantorrillas de acero,
Etre adorable autant que bête impétueuse, adorable ser a la
vez que bestia impetuosa,
Beau corps marmoréen qui s'achève en coursier. hermoso
cuerpo humano de mármol rematado por un corcel.
Si féminine et si formidable! elle passe Tan femenina y
formidable, al pasar
A travers les frissons du matin aromal, atraviesa los
escalofríos de la mañana fragante,
Mystère, enchantement et terreur de l'espace, —misterio,
hechizo y terror del espacio—,
Par ses poses de femme et ses bonds d'animal. con su ademán
de mujer y su trote de animal.
Sans la sérénité divine et coutumière, Sin su divina y
habitual serenidad,
On croirait qu'elle veut s'enivrer de son vol, se creería
que desea embriagarse en su presteza,
Baignant ses seins hardis dans la bonne lumière, bañando sus
insolentes senos en una luz benéfica,
D'un pied qui suit la foudre incendiant le sol. haciendo
arder el suelo con las centellas que produce a su paso.
Et cependant malgré sa course éparse, errante, Sin embargo,
pese a su carrera errática
Et l'instabilité sauvage de ses pas, y la salvaje
inseguridad de sus andares,
Elle impose à ses traits la ligne indifférente; impone a su
contorno la línea despreocupada.
Ses regards assurés ne se démentent pas. Su firme mirada no
se contradice.
Elle est calme! ses pieds seuls s'emportent de joie, Está
tranquila, solo sus pies son arrebatados por la alegría,
Mais son visage reste harmonieux à voir; su rostro mantiene
su armonioso aspecto:
C'est qu'à jamais conquise elle entraîne une proie, se debe
a que arrastra a su presa conquistada para siempre,
Son cher butin, son plus délicieux espoir. su querido botín,
su más deliciosa esperanza.
Sans contempler celui que sa force fascine Sin reparar en
aquel que está fascinado por su fuerza
—Un jeune homme inquiet, captif d'un bras nerveux— —un joven
inquieto, cautivo de su fibroso brazo—
Fière elle fait bondir sur la mâle buccine hace brincar en
la varonil bucina[2],
orgullosa,
Un chant révélateur d'héroïques aveux. un canto revelador de
heroicos discursos.
Et toujours elle fuit, grave, heureuse et farouche, Y se
larga siempre seria, dichosa y feroz,
Par les vallons en fête où vibrent des hautbois, por los valles festivos donde resuenan los
oboes,
Empourprant le clairon aux roses de sa bouche tiñendo el
clarín en el púrpura de su boca
Pour cacher son trésor sous le secret des bois. para ocultar
su tesoro bajo el secreto de los bosques.
II
O statuaire, fils du sage Praxitèle, Oh escultor, hijo del
sabio Praxíteles,
Laisse-moi m'inspirer de ton marbre animé, deja que me
inspire en tu mármol viviente
Et voir revivre encor ta Centauresse, toile y que vuelva a
ver cómo revive tu Centaura,
Que mon rêve le plus noble et le mieux aimé. como mi sueño más noble y amado.
C'est l'incarnation plastique de mon culte, Es la
encarnación plástica de mi culto,
Le symbole vivant d'un art libre et hautain. el símbolo
viviente de un arte libre y jactancioso.
C'est mon histoire, ami, que ton pur ciseau sculpte; Es mi
historia, amigo, la que esculpe tu cincel puro:
Ton groupe harmonieux figure mon destin. tu armonioso
conjunto representa mi destino.
Chercheur d'un idéal qui m'enchante et m'abuse, Buscador de
un ideal que me hechice y me seduzca,
J'ai mon amante aussi qui me tient captivé. tengo también a
una amante que me mantiene cautivo.
Ma Centauresse aux pieds de tempête est la Muse, ¡Mi
Centaura de patas alborotadoras es la musa,
Et je suis le jeune homme à ses beaux bras rivé! yo soy el
joven sujeto por sus hermosos brazos!
Le jeune homme souvent navré de défaillance, ¡El joven al
que le suelen fallar las fuerzas,
Tremblant du but obscur où le Rhythme indompté que tiembla ante
su meta poco clara cuando,
Montre au fougueux essor de son imprévoyance tras su fogoso
e irreflexivo arranque, el trote indómito le muestra
L'introuvable, lointaine et divine Beauté! la inalcanzable,
lejana y divina belleza!
J'ai cette peur honnête et ce loyal vertige... Me invade este
temor y este vértigo sinceros...
Mais bientôt s'affermit mon pindarique élan. Pero enseguida se
impone mi ímpetu pindárico.
Muse, emporte mon âme où ta course l'exige, ¡Musa, transporta
mi alma adonde tu designio quiera,
Sur les sommets en deuil qu'assombrit le milan, sobre las
cumbres ensombrecidas por el milano;
Encor plus loin dans l'Art et plus loin dans la vie, más allá
en el Arte y más allá en la vida,
Dans la profonde horreur de la Réalité, en el profundo
horror de la realidad;
Plus avant dans l'Etude, hélas! inassouvie, más adelantado,
¡ay!, en el estudio insatisfecho;
Et plus haut dans l'Amour et dans la Liberté! y más elevado
en el amor y en la libertad!
Partout où fleurira le saint laurier de Grèce, ¡Doquiera que
florezca el santo laurel de Grecia,
Fidèle à mon espoir, dût-il être puni, fiel a mi esperanza, aunque
fuera castigado,
J'irai, Muse immortelle, auguste Centauresse, allí marcharé,
musa inmortal, augusta Centaura,
Te suivre, s'il le faut, par delà l'Infini! para seguirte,
si es preciso, más allá del infinito!
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